Les ondines illustrent l’imaginaire romantique qui affectionne les vallées embrumées et les mondes enchantés peuplés d’esprits surnaturels.
Elles ont toujours hanté l’imaginaire populaire, et les légendes racontent que ces sirènes des rivières, des lacs et des cascades enchantent les hommes pour les mener à leur perte.
Dans l’Illiade, la magicienne Circé donna à Ulysse le conseil de fuir leurs chants en se bouchant les oreilles mais cette recommandation ne sera heureusement pas suivie par les nombreux compositeurs qui trouveront dans ces contes un thème en miroir à la nature fluide, évanescente et insaisissable de la musique et des sujets propices à évoquer dans leurs partitions les dangers de l’eau et de la femme.
Si Ondine, génie féminin des eaux cherche, comme toutes les nymphes, à acquérir l'âme dont elle est dépourvue, elle n’en a pas moins inspiré de belles œuvres à Carl Reinecke, Cécile Chaminade, Eta Hofmann, Albert Lortzing, Piotr Ilitch Tchaikovski, et Maurice Ravel…
En naviguant sur le Rhin, le Danube ou encore la Moldau, partez à la découverte de quelques enchanteresses aquatiques qui ont trouvé leur royaume dans la liquidité sonore de la musique classique et dont les légendes ont inspiré beaucoup de compositeurs.
Sur quels fleuves nagent les ondines de la musique ?
La Loreley, l’enchanteresse du Rhin
C’est la plus célèbres des nixes du Rhin.
Allégorie de la femme fatale menant les hommes à leur perte, la Loreley est l’incarnation même de l’envoûtement musical. Transposition rhénane de la légende de la nymphe Echo, cette belle jeune fille aux cheveux d'or et à la voix merveilleuse trône sur un rocher dans une boucle du Rhin moyen et fait sombrer les marins séduit par sa voix.
À l’époque romantique, elle devient très vite le sujet idéal pour exprimer la corrélation entre amour et naufrage. Le compositeur allemand Friedrich Silcher sera le premier à composer sur les vers de Heinrich Heine la mélodie qui fait désormais partie des recueils de chansons populaires du Rhin.
Franz Liszt, lors de son séjour sur l’île rhénane de Nonnenwerth en compagnie de sa maitresse Marie d’Agoult, en donnera deux versions : l’une pour voix et piano et l’autre pour piano seul.
Les compositrices Clara Wieck-Schumann et Johana Kinkel écrivent des lieder. Max Bruch, natif de la ville de Cologne, en tire l’argument de son opéra éponyme et, au 20ème siècle, le soviétique Dimitri Chostakovitch mettra en musique le poème de Guillaume Apollinaire dans le 3ème mouvement de sa 14ème Symphonie.
Sur le Danube, la nymphe de Jochenstein
Le rocher légendaire de Jochenstein émerge du Danube à la hauteur de la frontière austro- allemande.
Une légende raconte qu’un magnifique palais se trouve au pied du rocher dans lequel règne la nymphe Isa, soeur danubienne de la Loreley rhénane. Les nuits de pleine lune, lorsque la brume s’étend au-dessus de l’eau, cette ondine sort des eaux du fleuve pour protéger et guider les bateaux.
Mais malheur à ceux qui se laisseraient séduire par son chant ou tenteraient de la rejoindre. Ils seraient emprisonnés à jamais dans son palais. Giacomo Meyerbeer en fit l’argument de son opéra La nymphe du Danube dont il ne reste malheureusement que des fragments.
Du Danube au Rhin, les wagnériennes Filles du Rhin
Les Filles du Rhin : Wellgunde, Flosshilde et Woglinde ont renoncé à l'amour pour devenir les gardiennes de l'or du fleuve.
Ces trois nymphes, créées par Richard Wagner à partir de la danubienne Chanson des Nibelungen (dont un fragment est exposé dans la superbe abbaye bénédictine de Melk sur le Danube), sont les premiers et les derniers personnages à apparaître dans le cycle des quatre opéras de la monumentale Tétralogie.
Sur la Moldau, la douce Rusalka
Les rousalka sont les cousines slaves des ondines.
Elles s’ébattent dans les lacs et les rivières de l’est de l’Europe et se manifestent sous la forme de belles jeunes filles reconnaissables à leur longue chevelure et leur irrésistible voix suave ou, moins glamour, sous la forme de vieilles femmes repoussantes armées d’un long bâton crochu.
Ombres de femmes maudites, de suicidées ou de noyées, les légendes racontent qu’elles sont froides comme les eaux. La plus célèbre de toutes est la belle et douce Rusalka, la fille de l’Ondin, dont le seul désir est de devenir un être humain et de pouvoir connaître l’amour comme une femme terrestre, même au prix de la souffrance et de la mort.
Passionné par le folklore de son pays et Inspiré par le poème d’Alexandre Pouchkine, le compositeur russe Alexandre Dargomyjski écrit en 1832 le premier opéra portant le titre de Rusalka.
Le compositeur français Henri Duparc tombe également sous le charme de la petite sirène slave mais son opéra reste inachevé et c’est finalement le tchèque Antonin Dvorak qui fait entrer Rusalka et son Chant à la lune au panthéon des chefs d’œuvre de la musique.