Saint-Petersbourg, là où tout a commencé…
Peu de villes sont capables de produire un acte de naissance. Ce n'est pas le cas de la Venise russe fondée le 16 mai 1703 sur ordre de Pierre le Grand.
Cette « fenêtre ouverte sur l’Europe » naquit sur l’île aux lièvres. Là où se trouvent aujourd’hui la forteresse Pierre-et-Paul et sa cathédrale à flèche d’or qui accueille la nécropole des Romanoff.
Juste en face de l’Ermitage, au-delà d’une Neva qui fait ici plusieurs centaines de mètres de large. Tous les midis, le canon y tonne. Une façon d’indiquer l’heure mais aussi de rappeler que l’histoire a toujours donné le tempo à la plus fascinante des cités russes.

Au prix du sang et de la sueur, Pierre le Grand fit donc construire ex nihilo sa capitale au milieu des marécages. Saint-Petersbourg (la ville de Pierre… tout simplement) émerge au fond du golfe de Finlande.
Au début de la première Guerre mondiale, le nom est jugé trop allemand (Sankt-Peterburg). Place à Petrograd, beaucoup plus russe. Ce qui ne dure pas. En 1917, la dynastie Romanoff dont la destinée se confond avec le lieu est balayée par la révolution.

Les bolcheviques prennent un pouvoir qu’ils s’empressent de ramener à la case départ : Moscou. Nouveau changement de patronyme. Ce sera Leningrad, cinq jours après la mort de Lénine (1924).
Un nom qui disparaît à son tour, après référendum en 1991, lorsque ce que l’on nomme désormais ici « le joug soviétique » en finit. Revoilà, en majesté, Saint-Petersbourg.
Plus qu’une anecdote, la certitude que le sceau du passé est ici partout inscrit. Le XVIIIe siècle étire les façades multicolores de ses palais qui défilent comme un diaporama lors des promenades en bateau sur les canaux.
En se perdant dans l’une des 1 000 salles de l’Ermitage (le plus grand musée du monde), l’on est pris dans un véritable tourbillon (60 000 pièces exposées, 3 millions en réserve).
L’on joue des coudes au milieu des touristes qui piétinent, appareils photos en main, devant les deux minuscules et magnifiques madones de Léonard de Vinci. Rembrandt, Titien, Rubens, Picasso, Goya, Monet, Gauguin, Matisse… Quel tournis.

Il faut également s’extasier devant les célèbres bulbes de la cathédrale Saint-Sauveur-sur-le-Sang-Versé qui ressemblent à des sucres d’orge, tout en rappelant que le bâtiment fut construit pour honorer la mémoire du tsar Alexandre II mortellement blessé par des anarchistes (1881).
Sans parler des jardins et des fontaines de Peterhof qui font écho à la splendeur du Versailles de notre Roi-Soleil.
Nuits blanches
Etonnant paradoxe. Dans une ville qui ne connaît, dit-on, que soixante jours sans pluie par an, tout est lumière. Saint-Petersbourg (5,2 millions d’habitants) se pose comme la rivale de Moscou (plus de 10 millions).
A la capitale, les affaires, le bruit, le pouvoir, les gigantesques gratte-ciel soviétiques. À Saint-Petersbourg, le charme, l’insouciance, le bonheur de vivre. Il y a, dans cet antagonisme, quelque chose qui rappelle l’opposition entre Paris et Marseille.
A un détail près… La très « méridionale » Saint-Petersbourg, en fait la métropole la plus septentrionale du monde, se situe à plus de 700 kilomètres au nord de sa grande sœur. Et, en guise de Cannebière, dispose d’une Neva, prisonnière des glaces pendant des semaines.
Le contraste atteint son zénith lors des fameuses nuits blanches qui, de fin mai à mi-juillet, mettent la ville (envahie de touristes) en transe. Le soleil ne s’y couche plus… et les Petersbourgeois pas trop.
Ils flânent, déambulent, se rendent vers une heure du matin au lever des ponts rapidement devenu l’un des moments incontournables de soirées qui n’en finissent plus. Sur les quais, une boutade circule.
« Si Dieu a créé les nuits blanches à Saint-Petersbourg, c’est qu’il n’y avait pas assez de toute la journée pour en découvrir les merveilles ».
Dieu a parfois raison…
Par Philippe Marcacci