On imagine souvent l’Antarctique comme un grand désert de glace, une étendue silencieuse et inhabitée. C’est se méprendre sur ce continent blanc qui, contrairement aux idées reçues, fourmille de vie.
Non, les seules espèces à peupler ce continent de glace ne sont pas les chercheurs et les scientifiques du monde entier ! Ils ne sont que les invités d’une population beaucoup plus importante d’espèces endémiques parmi lesquelles on compte des animaux terrestres, marins et aériens. Il est vrai que peu d’espèces sont capable de survivre aux conditions polaires extrêmes qui sévissent dans ces régions australes : eaux glacées qui plafonnent en dessous de 0°C, luminosité particulière voire nulle, ressources et denrées limitées, rudesse des températures extérieures… Et pourtant…
Dans les eaux australes, une faune riche et développée
Ne vous fiez pas au calme apparent de l’inlandsis. Sous l’épaisse couche de glace évoluent un nombre important d’espèces fauniques qui ont développé des particularités physiques et physiologiques extraordinaires. Leur organisme s’est adapté pour pouvoir vivre et se reproduire en surface comme dans les profondeurs les plus glaciales et les plus obscures. Si ces eaux semblent contraires à toute forme de vie, elles sont en fait chargées d’oxygène et extrêmement riche en nutriments, attirant en premier lieu une biomasse exceptionnelle.
Royaume du zooplancton et du krill
Dans les couches basses de la chaîne alimentaire aquatique, le zooplancton figure en tête de liste des biomasses les plus importantes avec un volume plus abondant ici, dans les eaux polaires, que dans les eaux tropicales. Parmi elles, le krill est une clé de l’écosystème antarctique constituant une source de nourriture primordiale notamment pour les grands mammifères marins mais aussi les oiseaux.Ressemblant à une minuscule crevette bioluminescente, la petite taille du krill (4 à 5 cm de long) et son poids plume (± 2 grammes) sont en fait sa force. En effet cette euphausia superba n’évolue que sous forme d’essaims aux dimensions parfois colossales. Avec une biomasse estimée aux alentours de 500 millions de tonnes, c’est tout simplement l’espèce la plus importante sur Terre ! On raconte qu’en été, des bancs de 500 km2 de couleur rosée sont détectables par les pêcheurs et même… les satellites ! Clé de voûte de la chaîne alimentaire antarctique, elle est aujourd’hui victime d’un déclin alarmant dont nous devrions nous inquiéter.Pour les amateurs de films scientifiques, un documentaire de 2015 produit par arte et récompensé au Wild Film Festival de Jackson Hole (Etats-Unis) explore de façon savante cette espèce fascinante et menacée.
Des poissons aux super-pouvoirs
En Antarctique, on ne compte que quelques centaines d’espèces de poissons contre les ± 25 000 que compte la surface totale des océans du globe. Ces poissons là ont dû développer des particularités hors-norme pour subsister dans ces eaux polaires. C’est le cas du poisson des glaces (Champsocephalus gunnari), dont le système sanguin s’est adapté à des eaux particulièrement riches en oxygène. Pas besoin d'hémoglobine pour propager l’oxygène dans le sang, celui-ci circule par simple diffusion des branchies au sang, puis du sang aux organes. Simplissime !Quant aux notothénioïdes, ils ont survécu aux violents changements climatiques qui ont vu l’extinction de nombreuses espèces il y a 35 millions d’années en sécrétant… des protéines antigel ! Bluffant !
Un géant des abysses : le calmar colossal
A ne pas confondre avec le calmar géant, le calmar colossal pourrait mesurer jusqu’à 14 mètres et peser près de 500 kg. Nous ignorons encore beaucoup sur ce cas de gigantisme et la majeure partie des études menées l’a été sur la base de découvertes faites dans les estomacs de cachalots ou lors de prises accidentelles de pêche. Les adultes vivraient à une profondeur de plus de 2 000 mètres tandis que les jeunes se limiteraient aux alentours de 1 000 mètres. Autant dire qu’il est vain d’entretenir l’espoir d’apercevoir cet animal étonnant…A l’image du calmar colossal, nous ignorons encore beaucoup sur les êtres vivants fascinants qui peuplent les eaux de l’Antarctique. il est fort à parier que les abysses australes abritent même des spécimens encore totalement inconnus qu’il nous reste à découvrir.
Un sanctuaire pour les cétacés
A l’inverse, l’Antarctique est une région de choix pour l’observation des grands cétacés et des mammifères marins tels que les cachalots, les baleines (bleue, à bosse, de Minke ou en de très rares occasions, à bec), le rorqual commun, les orques et les dauphins (sablier ou de Commerson). Le spectacle des ondulations de l’eau et du souffle d’air de ces géants marins au-dessus des eaux figées de l’Antarctique est un moment inoubliable de tout voyage polaire.
A la surface, colonies d’oiseaux et de mammifères marins
Les phoques et autres pinnipèdes
L’autre temps fort de toute expédition polaire est la rencontre captivante et toujours attendrissante avec les colonies de phoques (crabiers ou de Weddell, plus imposants) et d’otaries. Ces dernières restent concentrées principalement sur la péninsule. Avec un peu de chance on peut également croiser des léopards des mers, même s’ils se font plus rares. Les images de leurs longues siestes lascives sur la glace comme celles des femelles veillant tendrement sur leurs petits, vous laisseront des souvenirs émus de votre rencontre avec ces animaux attachants.
Les oiseaux-stars de l’Antarctique
Côté oiseaux, le spectacle est tout aussi mémorable. A commencer par les vedettes de la banquise, véritables « Chaplin » des glaces au pas cocasse et nonchalant. Nous parlons bien sûr des manchots, répartis en 4 espèces sur la zone antarctique : manchots jugulaire et papous sur la péninsule, Adélie et empereurs sur le rivage. Il s’amassent par milliers en colonies solidaires qu’on appelle aussi rookeries afin de lutter contre le froid et se tenir bien chaud. Le film oscarisé et multi-récompensé de Luc Jacquet La Marche de l’Empereur met en lumière cet animal fascinant, aidant à mieux comprendre ses rituels et son mode de vie dans un univers hostile et implacable. Il a par la même ouvert la voie d’un autre cinéma, qui place la conservation de la nature en son cœur. Vous reprendrez bien une autre séance ?
Mais le manchot n’est pas la seule espèce avifaune de l’antarctique. L’éventail des espèces est réduit (entre quarante et cinquante espèces différentes) mais le nombres d’individus au sein d'une colonie peut être très élevé comme c’est le cas par exemple pour l’océanite de Wilson qui niche et se reproduit par million dans cette partie du monde. On dénombre également plusieurs variétés de pétrels, des skuas, des sternes ou bien encore des albatros, cormorans et des goélands pour n’en citer qu’une infime partie. Pour les passionnés, une liste détaillée est consultable sur l’exhaustif site oiseaux.net.
Si vous souhaitez en découvrir plus, une grande quantité de ressources et d'informations très bien documentées est accessible sur le site de l’IPEV (Institut polaire français Paul-Emile Victor), incluant notamment les programmes d’études, de protection et de sauvegarde de cette faune exceptionnelle.