Vaste sujet que l’impressionnisme en musique !
Associé à l’idée même du courant pictural apparu en France dans les années 1860, le concept, très impressionniste en lui-même, relève plutôt d’un courant esthétique appliqué à toute œuvre inspirée par une évocation poétique de la nature et dépasse souvent les notions de géographie et d’époque dans lequel on aurait tendance à l’enfermer.
Thème musical de la croisière Réveillon sur la seine, partons à la découverte de cette musique, sensorielle et subjective, qui permet à l’oreille qui écoute et à l’œil qui contemple de se rencontrer dans une impression commune.
Qu’est-ce que l’Impressionnisme musical ?
Le terme impressionnisme a toujours fait débat.
Les artistes, qu’ils soient peintres, musiciens ou écrivains, ont souvent exprimé une grande méfiance devant cette appellation donnée par un critique d’art visant à tourner en dérision une avant-garde picturale qu’il ne comprenait pas.
La « musique impressionniste » apparait en Europe dans le dernier quart du 19ème siècle. Elle se caractérise par une écriture faite de successions d'impressions. Par son couplage entre une tonalité très recherchée et la modalité, c’est une musique d’une grande sophistication.
De même que les peintres impressionnistes recherchent les tons purs, utilisés par petites touches vives, les musiciens évitent le chromatisme dissolvant d’essence germanique pour régénérer le diatonisme au contact vivifiant des vieux modes. Le parallèle se poursuit dans le domaine des timbres instrumentaux, qui se veulent purs de toute doublure, de tout empâtement et où celui d’une flûte ou d’une clarinette solo rejoint celle d’une tache de rouge ou de bleu pur.
Sur ce postulat, un trait d’union peut être tracé entre les compositeurs français comme Fauré, Debussy, Dutilleux, Florentz mais aussi chez Liszt, les membres du célèbre groupe des Cinq russe et bien d’autres compositeurs du 20ème siècle
Claude Debussy, le père de l’impressionnisme musical malgré lui
Quand on pense à la musique impressionniste, c’est toujours à l’œuvre de Claude Debussy que l’on pense en premier.
Et aujourd’hui encore, quand on cherche une musique pour accompagner l’univers visuel du plus représentatif des peintres impressionnistes, Claude Monet, c’est à lui qu’on pense et ce même si le génial musicien n’a probablement jamais rencontré le peintre et qu’il se soit toujours défendu que son œuvre ne soit réduite qu’à une esthétique empruntée à la peinture.
À ce sujet, il écrira :
Car, très loin de l’idée qui assimile souvent l’impressionnisme au flou, Debussy est un mélodiste admirable qui a toujours revendiqué la clarté de la ligne et des œuvres comme les Nocturnes ou la Mer qui regorgent de courtes cellules mélodiques.
Debussy, très vite, dépassera le stade de l’impressionnisme pur et ses dernières œuvres comme le ballet Jeux relèvent plutôt d’un divisionnisme sonore à la Seurat ou à la Signac.
Emmanuel Chabrier, l’ami des peintres
Compositeur de la célèbre rhapsodie pour orchestre España Emmanuel Chabrier (1841-1894) fut aussi l’ami des grands peintres impressionnistes, dont il collectionnait les toiles et dont certaines de sa collection sont aujourd'hui exposées dans de grands musées.
Il fût également le modèle de nombreux artistes. On l’aperçoit dans différents tableaux comme dans L'Orchestre de l'Opéra d'Edgar Degas ou encore Le bal de l'Opéra d'Édouard Manet. Il existe également deux portraits de lui peint par Manet.
Ses compositions, par sa science et son sens de la couleur et de la lumière, se montrent particulièrement proches de l’idéal esthétique impressionniste. Le musicien natif du Puy de Dôme déclarait :
La Joyeuse Marche n’est pas sans évoquer un Lautrec en musique tandis que Sous-bois est peut-être l’équivalent sonore des plus frémissants Sisley et que la tendresse charnelle de Renoir se retrouve dans Idylle et l’éclat de Manet dans les triomphales neuvièmes ouvrant Le Roi malgré lui.
Quelques autres grandes figures de la musique impressionnistes
Avec son aîné Claude Debussy, et bien que sa musique échappe le plus souvent à ce genre par le classicisme de son écriture, Maurice Ravel (1875-1937) est la figure la plus influente de la musique française de son époque et le principal représentant du courant dit impressionniste.
Son Daphnis et Chloé, symphonie chorégraphique pour orchestre et chœurs sans paroles écrite entre 1909 et 1912, sur la commande de l'impresario russe Serge de Diaghilev, est un chef-d’œuvre purement impressionniste.
Dépassant les notions d’époque, de classification stylistique et d’espace géographique, on peut trouver les premières traces d’un impressionnisme musical chez Franz Liszt (Les jeux d’eau de la villa d’Este) mais aussi chez les compositeurs de l’école russe, qui ont profondément marqué le jeune Debussy, comme chez Modeste Moussorgski (Tableaux d’une exposition à écouter dans l’orchestration de Ravel), Alexander Borodine (Dans les steppes de l’Asie centrale) ou encore dans les rutilants tableaux orchestraux du Capriccio espagnol de Nikolaï Rimski-Korsakov.
Avant la violente réaction anti-impressionniste qui s’affirmera dans tous les domaines après la Première Guerre mondiale, du fait notamment de Jean Cocteau et du Groupe des Six, Albert Roussel (le Festin de l’araignée) se rattachera également à cette esthétique avant de s’en détourner.
Mais le courant ne restera pas limité à la notion d’époque et à la sphère géographique française puisque de très nombreux compositeurs étrangers cèderont à cette esthétique impressionniste comme les Espagnols Isaac Albéniz avec Iberia, et Manuel de Falla avec Nuits dans les jardins d’Espagne, l’Italien Respighi avec Fontaines de Rome, le Finlandais Sibelius avec Le Cygne de Tuonela inspiré du Kalevala, un cycle mythique finlandais décrivant les aventures d'un « Don Juan » nordique, le Hongrois Bartok avec ses Deux images…
Le Russe Igor Stravinski composera aussi dans cette esthétique son ballet L’Oiseau de feu tout comme Olivier Messiaen ou encore Henri Dutilleux…
Retrouvez l'ensemble de notre playlist dédiée à l'impressionnisme musicale :