Fuir le tumulte de la grande ville
J’ai habité quelque temps à New York, dans le quartier d’East Harlem communément surnommé El Barrio.
New York est une ville qui vous prend parfois à la gorge, électrique, fascinante, qui vous galvanise et vous épuise à la fois. Beaucoup de New-Yorkais la compare à une créature affamée, que l’on ne parviendrait jamais totalement à rassasier, puisant son énergie dans la course folle de ses habitants. Un soir, j’ai ressenti une évidence, alors que je rentrais chez moi, j’entendais les sirènes des ambulances au loin et la mélodie familière du candy truck aux couleurs acidulées, qui vendait chaque jour des glaces aux enfants. Une bouche à incendie avait été ouverte dans l’espoir d’un brin de fraîcheur, le ciel était d’un rose tirant sur le rouge, la chaleur était de plomb. Harlem formait alors un véritable brasier sans fin. Etait-il possible d’en sortir ? La réponse était à quelques heures de route…
Un havre de paix à l'allure pittoresque
Tous les étés, de nombreux New-Yorkais fuient la ville en direction d’une partie de Long Island bien connue, les Hamptons, refuge hors du temps pour (riches) citadins en mal de tranquillité. Langue de sable blond qui s’étire jusqu’à l’Atlantique, les Hamptons offrent une escapade idéale lors d’un séjour prolongé dans la ville qui ne dort jamais.
A peine deux heures de route, et nous voici dans un monde à part, où règne une atmosphère aussi élégante que pittoresque. Les villes semées ça et là au bord de l’océan y offrent plusieurs visages. Southampton et East Hampton les mondaines, Westhampton la bohème ou Montauk, son légendaire phare et ses spots de surf, qui a su préserver toute son authenticité.

Les locaux vivent principalement de la pêche depuis des générations, en dehors de la période estivale. Les élégantes maisons de bois qui dominent l’océan remontent pour la plupart au XIXème siècle (certaines, les plus anciennes, datent de l’arrivée de colons du Massachusetts qui découvrirent Southampton et s’y installèrent pour y cultiver la pomme de terre en 1640). Elles ont un côté très Mary Higgins Clark, isolées pour certaines au milieu de nulle part, avec pour seul repère l’océan et le sable à perte de vue. De quoi servir de décor à de nombreux romans policiers…
Les Hamptons, signe extérieur de contemplation
Je m’y rendais souvent le week-end, et restais la plupart du temps à Montauk. Les paysages font penser à nos immenses plages de la côte Atlantique, bordées de roseaux, et de dunes. Le célèbre phare qui domine la ville, date de la fin du XVIIIème siècle.
La plupart des riches New-Yorkais ont d’élégantes demeures, aménagées pour la plupart par des architectes de renom, connus pour leur nombreuses réalisations à New York notamment des hôtels de luxe et autres rooftops à la mode. Celles-ci sont décorées dans un style épuré et minéral, dont les couleurs sont comme délavées par le vent du large qui correspond à l’ambiance chic et décontractée des lieux. Les extérieurs respectent un style architectural colonial ponctué d’ornements victoriens, ou style Shingle. On y organise d’incroyables fêtes et de nombreux galas de charité qui rythment ainsi les étés et font des Hamptons bien plus qu’un lieu de villégiature, mais un véritable art de vivre.

Loin du luxe tape à l’œil de la Floride ou de Los Angeles, on abandonne ici costume, cravate, tailleur et stiletto, pour le polo décontracté et la paire de tennis. On y pratique la voile, le golf, on y déguste le fameux crabe cake ainsi que d’excellentes salades de homard. A Montauk, il règne une ambiance surf beatnik authentique pleine de charme.

Les Hamptons offrent une occasion unique de voyager à travers soi, de se ressourcer. Le voyage réside alors dans cet état contemplatif que l’on ressent, à peine les pieds posés dans le sable de cet écrin totalement hors du temps.
Source inépuisable d'inspiration
On ne peut s’empêcher de revenir en arrière, sur les traces des personnages de Francis Scott Fitzgerald, qui s’inspira de ces lieux et rédigea une de ses œuvres les plus célèbres, Gatsby le Magnifique. Il subsiste encore dans les Hamptons, une atmosphère propice à la contemplation et la création. Qui sait…vous pourriez peut-être apercevoir au détour d’une rêverie la silhouette de Daisy Buchanan, amour perdu de Gatsby.
Parlons de création… les Hamptons attirent incontestablement les artistes. Dans les années 1940, Jackson Pollock a élu domicile quelque temps à East Hampton plus précisément, où on peut encore visiter sa maison atelier. De nombreux peintres du mouvement surréaliste comme Salvador Dali et Max Ernst y séjournèrent durant la seconde guerre mondiale, ou encore l’artiste Pop art Roy Lichtenstein, et l’expressionniste abstrait Mark Rothko. Refuge pour la création loin du tumulte de la guerre ou des villes, sans doute, mais les paysages des Hamptons offrent certainement une source inépuisable d’émotions aux artistes.

Edward Hopper peintre de la solitude et de la mélancolie y trouva également beaucoup d’inspiration même si son fameux Lighthouse Hill de 1927 ne représente hélas pas le phare de Montauk mais probablement un phare situé sur la presqu’île de cap Cod. Mais qu’importe, l’inspiration reste la même, il n’y a qu’à s’installer sur la plage, se laisser porter par la lumière, les variations du ciel et de l’océan, pour se dire qu’il y a encore dans les Hamptons quelque chose à ressentir qui ne s’achète pas.
© Photos de Julia Moraine, Robert Daniels