
Un peu d'histoire...
C’est en 1515, que naquit à l’esprit de François Ier l’idée d’ériger un nouveau port sur le littoral normand, face à celle que l’on appelait, la « Mer Océane », afin de pouvoir abriter les vaisseaux de sa Majesté. Cette date éveillera certainement plus en vous la célèbre bataille de Marignan, mais alors que le Roi est sur le front italien, ses ingénieurs étudient les éventuels sites pouvant accueillir ce nouveau port… Alors qu’à l’embouchure de la Seine, les ports d’Honfleur, mais principalement d’Harfleur, inexorablement s’envasent, très rapidement le choix du lieu « de Grâce » est retenu.
Le Roi, par sa signature, le 7 février 1517, confie à l’Amiral de France, Guillaume Gouffier, la tâche d’établir ce port à vocation tout d’abord militaire. Cette zone marécageuse n’était pas propice à la fondation d’une ville, mais au fil des siècles, le développement du commerce maritime, va conduire inexorablement au développement économique de la région, via bien entendu l’avènement des puissants armateurs, dont les navires rapportent les richesses du nouveau monde… Celle que François Ier rêvait d’appeler la « ville Françoise », fut très rapidement nommée « Havre de Grâce », afin de rendre hommage à une dévotion locale à « Notre Dame de Grâce ». Abandonnant son suffixe, Le Havre profitera de la révolution industrielle, connaissant alors son Age d’or, voyant débarquer sur ses quais, coton, épices, bois exotiques et café…
Mais alors que le Port du Havre devient à la fin du XIXème siècle le deuxième port de France au niveau du trafic, il va voir arriver de toute l’Europe, des candidats à l’émigration vers l’Amérique… Le port en effet dispose d’un atout géographique indéniable. Sa position plus à l’ouest que les autres ports de passagers, tel Hambourg par exemple, est un véritable atout. Il permet au voyageur d’espérer réduire de quelques jours le temps de traversée, dans des conditions qui ne sont pas toujours des plus agréables…

L'arrivée de la Compagnie Générale Transatlantique...
La Compagnie Générale Transatlantique en fait son port principal d’embarquement pour les candidats à l’exil, facilitant leur acheminent via une ligne de chemin de fer, reliant la gare St Lazare au port du Havre. La ville vit alors au rythme des allers-retours des « Transat », ses paquebots de ligne français et étrangers se relayant sur ses quais. Des noms qui nous font encore rêver, tel « Ile-de-France », « Normandie » ou « France ». Tout au long de cette épopée transatlantique, les ports tout comme les compagnies maritimes feront preuve d’ingéniosité afin d’attirer à eux le plus grand nombre de voyageurs. Les ports, tel Le Havre, construiront des hôtels pour accueillir ses visiteurs de passage, alors que les navires auront tendance à proposer de plus en plus de services et de confort pour emporter le choix de ces aspirants au voyage…
Mais alors qu’à la fin du XIXème siècle, les migrants sont considérés par beaucoup comme une simple marchandise, « s’embarquant tout seul, débarquant tout seul, et payant extrêmement cher », va naître à bord des navires le système de « Classes ». La traversée devient voyage d’agrément, entre luxe et confort. Certes, la troisième classe est toujours la plus économique, mais la première et deuxième classes permettent tout de même un peu plus d’aisance. Les Etats-Unis imposant des quotas d’entrée, ces navires conserveront la première classe et verront naître la classe « touriste », se substituant intelligemment aux classes précédentes, avec la naissance du voyage d’agrément, du tourisme moderne. Les navires gagnent en confort et stabilité, mais surtout en vitesse. Le célèbre Ruban Bleu est né...
Les dernières unités mises en service, rapprochent de plus en plus les deux rives de l’Atlantique. De plus de 15 jours au milieu du XIXème siècle, les paquebots filent à des vitesses incroyables et mettent New-York à moins de 5 jours du Havre seulement… Les grandes vedettes de l’époque, européennes comme américaines, posent devant les photographes, sur les quais havrais, tout comme à bord de ces majestueux navires, avant de s’élancer en mer… Superbe réclame de ces illustres voyages… Ces voyages océaniques deviennent alors de véritables lieux de rencontre, facilitant les échanges, dans l’espoir certain d’une ascension sociale…
Mis à mal par les conflits mondiaux, les flottes, tout comme la ville du Havre rasée en grande partie en 1944, renaîtront de leurs cendres… Les anciens navires allemands, versés comme dommage de guerres à la France, feront à nouveau la fierté des Havrais, comme des français, dans cette période de reconstruction. La ville se métamorphosera grâce à l’architecte Auguste Perret. Grand spécialiste du béton armé, très en vogue à l’époque, il apportera une attention toute particulière à respecter dans la mesure du possible, les plans historiques de la ville. Alors que naissent de nouveaux quartiers, issus de la modernité des temps, le transport aérien, quant à lui, profite des avancées technologiques durant la guerre et met en service les premiers avions permettant de relier l’ancien au nouveau continent. La célèbre Panam réalise les premiers vols commerciaux transatlantiques en 1958, alors que fond proportionnellement au soleil la fréquentation des paquebots… Il est intéressant de souligner que l’aéroport d’Orly sera inauguré le 24 février 1961, soit un an avant l’arrivée magistrale dans la baie de New York du paquebot « France » , le 8 février 1962, lors de sa traversée inaugurale au départ de la ville Océane.
Les quais se vident, les navires disparaissent, et bien que notre pays dans un ultime sursaut voie le lancement du « France », les temps ont changé… Et c’est, ironie de l’histoire, toujours au port du Havre que l’on verra reléguer dans son arrière-port l’illustre ambassadeur français. « France » au Quai de l’oubli… La ville pensait alors avoir tiré un trait sur ce passé maritime… Certes, quelques car-ferries, reliant la ville à l’Angleterre, laissaient parfois le goût de la nostalgie le long des quais… Mais alors que ces grands oiseaux blancs emportaient dans les airs des milliers de voyageurs, venait de naître de l’autre côté de l’Atlantique, au départ de Floride, vers l’arc caribéen, la croisière moderne…

Le port du Havre renaît de ses cendres....
Adieux les voyages au long cours et vive le cabotage le long des côtes… Les paquebots de croisières vous amènent aujourd’hui à la découverte des richesses de la Terre… Le Havre a vu ses quais reprendre vie… Ces quais qui semblaient voués à n’accueillir plus que des marchandises… Ces navires, portant dans leur flanc, des milliers d’âme avides de découvertes… Et les armateurs ne s’y sont pas trompés…
Le Havre, ville classée à l’Unesco pour son architecture atypique, offre de nombreux attraits. Elle est toujours, la porte d’entrée des richesses de la région et même au- delà : Giverny, Etretat, Honfleur, les plages du Débarquement et même Paris… Mais à l’image de la Catène, ces deux arches monumentales entrelacées, installées sur les quais de la ville pour célébrer ses 500 ans, la ville rayonne aujourd’hui de mille couleurs. Et alors qu’elle accueille chaque année de plus en plus de paquebots, veille sur eux, dans un coin du port, cap au large, comme si elle attendait que résonne l’ordre de la passerelle de larguer les amarres, la pointe de l’étrave du « France », sauvée in extrémis des chalumeaux et rapatriée aujourd’hui sur une terre familière.
Celle-ci, érigée tel un emblème de ce passé pas si lointain, jalouse ceux qui ont aujourd’hui la chance de s’élancer vers le large à bord de ses illustres descendants. Et ce n’est donc pas par hasard, que nous avons décidé de débuter avec vous ici notre voyage autour du monde…
Prêts à franchir la coupée ? A sourire à ses étrangers, qui deviendront vos compagnons de voyage ? Tel Jules Verne et Phileas Fogg ?
Bienvenue à bord et rendez-vous dans deux jours pour notre prochaine étape.... Reykjavik !
© Toutes les photos sont de J.Charles Thillays
La carte est un Plan de la Ville et Citadelle du Havre de Grace - Vers 1701. Source : les archives de la Ville du Havre.