Il fut un temps où Puerto Toro était un lieu hautement stratégique dans la région. En effet, jusqu’en 1906, la ruée vers l’or en Terre de Feu attirait en grand nombre les Sud-Américains, mais aussi les Européens. Ce sursaut démographique est passé, cette quête du précieux métal révolue, et la population dépasse difficilement les 20 individus à ce jour. Mais alors, pourquoi s’intéresser à ce petit port de pêche situé à l’extrême sud du continent ? Pourquoi est-il autrement stratégique aujourd'hui ?
D’abord parce qu’il s’agit de la dernière zone de pêche avant d’accéder au mythique Cap Horn. Locaux et experts internationaux s’accordent à dire qu’il s’agit de la plus dangereuse du Chili. Là, l’océan Pacifique et l’océan Atlantique se rencontrent, les vents sont puissants (jusqu’à 130 km/h) et seuls les navigateurs expérimentés peuvent s’adonner à la pêche sans risquer pour leur vie. Araignées de mer (seuls les mâles sont prélevés), oursins, moules : durant 3 mois, une pêche intensive y est pratiquée. Les crabes chiliens sont aussi en proie aux filets de ces travailleurs de la mer qui enverront la totalité au Japon.
Les passagers d’une croisière en Patagonie et Cap Horn passent à quelques miles de l’Île Navarino (voir image ci-dessus) et de cette zone de pêche, sans forcément se douter qu’il s’y trouve le peuplement le plus austral au monde. Le village est situé encore un peu plus au sud de Puerto Williams. Nous vous le disions, un peu moins d’une vingtaine de personnes y vit en permanence. On pourrait penser que le lieu est abandonné et pourtant… l’État chilien souhaite y être présent en offrant des structures locales comme une école (avec 2 enfants scolarisés !), une gendarmerie. Le pavillon de la marine chilienne y est parfaitement visible, comme pour dire que l’État assume jusqu’au bout tous ses territoires, même les plus australs.
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