Nos croisières musicales sur le Rhin, le Danube et l’Elbe vous invitent au voyage dans des régions qui ont été les épicentres du romantisme musical.
Petit retour sur une page parmi les plus expressives du grand livre de la musique à la rencontre des grands compositeurs romantiques germaniques. Retrouvez à la fin de cet article une playlist dédié !
L'Allemagne, le berceau du romantisme
La musique romantique allemande est née du courant politique, artistique et littéraire Sturm und Drang (Tempête et passion) de la fin du 18ème siècle.
Révolutionnant les concepts, elle va faire de la symphonie la forme d’expression la plus prestigieuse de la musique tandis que le concerto, aux formes plus élargies, révèle toute la virtuosité époustouflante des solistes, et symbolise la lutte entre l’individu et le monde.
S’appuyant sur des arguments littéraires, philosophiques ou historiques, de nouvelles formes musicales vont être créées et Franz Liszt sera l’inventeur du poème symphonique.
Avec l'évolution du pianoforte vers le piano, le lied s’inspirera de poèmes romantiques permettant ainsi de rapprocher le plus possible la voix des sentiments.
Dans son Docteur Faustus, Thomas Mann l’affirme. : « Si Faust doit être représentatif de l’âme allemande, alors il faut qu’il soit musicien, car les Allemands ont au monde un rapport abstrait et mystique, c’est-à-dire musical. »
Un siècle plus tôt, en exergue de sa Missa solemnis, Beethoven inscrivait lui-même ces mots : « Venue du cœur, puisse-t-elle retourner au cœur ! » tandis que Robert Schumann, l’homme des « voix intérieures irréconciliables », confiera à sa future femme, la pianiste et compositrice prodige Clara Wieck : « La postérité doit nous regarder comme un seul cœur et une seule âme ».
Autour d’eux gravitent Félix Mendelssohn et Johannes Brahms, autres incarnations du concept allemand de « la belle âme ».
Les compositeurs germaniques, dont les partitions sont intimement liées au courants philosophique et poétiques de l’époque et à la pensée de Goethe, Fichte et Schelling ( le fondateur de la philosophie romantique de la nature ), vont alors choisir des thèmes liés à la rêverie, au fantastique, à l’âme du monde, à la primauté du moi absolu et à l’irrationnel…
Nietzsche résumera ainsi tout leur idéalisme « Votre romantisme allemand m’a induit à considérer combien tout ce mouvement n’est réellement arrivé au but que sous forme de musique. »
L’avènement du romantisme germanique : Beethoven, Carl Maria von Weber…
C’est Ludwig van Beethoven, « le prince des musiciens », né à Bonn sur les bords du Rhin en 1770, qui est l’initiateur du romantisme en musique.
Il va ouvrir un nouveau chemin par la composition de sa 3e symphonie Eroica. Dédiée en premier lieu à Bonaparte « le libérateur des peuples », cette symphonie marque, par sa puissance expressive et sa longueur inusitée, la rupture avec le style classique et l’entrée fracassante dans le romantisme.
Après Beethoven, viendront des compositeurs un peu moins connus du grand public comme le violoniste virtuose Louis Spohr et Johann Nepomuk Hummel, qui aura parmi ses élèves Félix Mendelssohn et dont la musique exercera une certaine influence sur Robert Schumann.
De son côté, c’est Carl Maria von Weber, neveu de Mozart par ses liens familiaux avec Constance Mozart, qui sera le fondateur de l’opéra romantique allemand avec Le Freischutz.
L’opéra romantique allemand prendra ses sujets dans les légendes, les contes populaires et l’histoire. La nature y joue un rôle central, tout autant que les forces surnaturelles qui habitent ces légendes.
Illustrant la complaisance du romantisme envers la fameuse Sehnsucht, (sorte de mélancolie ardente), Franz Schubert, le compositeur de « la secrète fêlure de l’âme », va composer près d’un millier d’œuvres dont la plupart sont des chefs d’œuvre.
Les Schubertiades que ce maître incontesté du romantisme organisait avec ses amis poètes sont parmi les plus célèbres réunions de l’histoire de la musique.
Réunis dans des petits salons, ils prenaient plaisir à y jouer les œuvres de musique de chambres et particulièrement les cycles de « lieder » dont les plus célèbres sont le Voyage d’hiver et Le chant du Cygne.
Né à Hambourg, Félix Mendelssohn sera le « Mozart du romantisme ».
Enfant prodige, il n’a que seize ans quand il compose le merveilleux Octuor en mi bémol majeur et l’ouverture du Songe d’une nuit d’été (d’après la pièce de Shakespeare) dont l’orchestration se révèle d’une grande finesse avec la variété de timbres qui caractérise les œuvres romantiques et la beauté des thèmes décrivant l’obscurité menaçante de la forêt enchantée dans la nuit d’été.
Le très beau et romantique concerto pour violon en mi mineur op.64 est une des œuvres les plus célèbres de ce compositeur auquel on doit aussi la redécouverte de Jean-Sébastien Bach.
Robert Schumann est profondément romantique par son existence et par sa musique.
Lecteur passionné de Goethe et de Schiller, il hésite longtemps entre la littérature et la musique. Chez ce musicien-poète, déchiré jusqu`à la folie par ses tourments intérieurs, l’émotion l’emporte bien souvent sur la raison et s’exprime particulièrement dans ses œuvres pour piano, l’instrument roi du romantisme.
Grand symphoniste, il compose également des concertos (dont le très beau concerto pour violoncelle) et quatre symphonies dont la 3e symphonie Rhénane, composée en hommage au Rhin.
Ces cycles de lieder Les amours du poète et L’amour et la vie d’une femme sont parmi les beaux recueils de l’âme chantante de la musique romantique allemande.
Considéré comme le successeur de Beethoven et désigné par Robert Schumann comme « l’élu de la musique allemande », Johannes Brahms reste classique par la forme de ses œuvres.
Cet allemand du Nord s’installera à Vienne où il passera la majeure partie de son existence. Compositeur méditatif par excellence, la profondeur des paysages allemands marque sa musique.
On y retrouve, par le jeu des couleurs et des timbres, tout l’évocation des collines, de la brume et des sombres forêts et des marécages germaniques.
En cela, Brahms s’inscrit dans la plus pure tradition romantique car la nature l’inspire et le transporte.
Dans tous les trésors d’œuvres de la musique romantique allemande, certains compositeurs, plus méconnus du grand public, sont à redécouvrir.
Comme Max Bruch ou encore Engelbert Humperdinck dont l’opéra Hänsel und Gretel mêle brillamment des chants traditionnels avec une orchestration qui évoque Parsifal ou Le Crépuscule des dieux de Wagner.
Wagner, un monde en soi
S’il y a bien un artiste qui a popularisé l’ancienne mythologie germanique, c’est bien Richard Wagner.
Compositeur, directeur de théâtre, écrivain, chef d'orchestre, écrivain et polémiste, l’homme, à la vie bohème et fantasque, pas toujours fréquentable mais génial dans sa création, visait l’Art total.
Un grand nombre de ses opéras s’inspirent des récits et des légendes médiévales redécouvertes par les artistes romantiques allemands.
Cet intérêt pour la période médiévale se marque surtout par l’attrait pour le merveilleux et la quête d’une histoire nationale fantasmée.
Richard Wagner prendra connaissance de l’ancienne religion des Germains à la lecture de Deutsche Mythologie écrit par Jakob Grimm.
Cette lecture sera la base des quatre opéras de sa monumentale Tétralogie.
Et les compositrices ?
Se heurtant aux règles des « «trois K» : Kinder, Küche, Kirche » (enfants, cuisine, église) de la société bourgeoise de l’époque et aux valeurs traditionnelles dévolues aux femmes en Allemagne, Fanny Mendelssohn-Hensel (la grande sœur de Félix Mendelssohn) se verra opposer un cruel véto de son père face à ses aspirations artistiques :
« La musique deviendra peut-être pour Félix un métier, pour toi elle doit rester un agrément » tandis que Clara Wieck-Schumann, (l’épouse de Robert Schumann), dont le talent de pianiste est reconnu par ses pairs et applaudi dans toute l’Europe, sera obligée de délaisser sa carrière de compositrice.
Elle finira par écrire : « Une femme ne doit pas prétendre composer. Aucune encore a été capable de le faire, pourquoi serais-je une exception ?». On redécouvre actuellement, avec bonheur, des compositrices comme Emilie Mayer, Johanna Kinkel…
Mais l’histoire de la musique ne s’arrête jamais. Après le romantisme, viendra l’heure du post romantisme allemand avec Bruckner, Mahler, Richard Strauss… À suivre. En musique toujours !