Comment ça marche ?
Pour comprendre comment un navire parvient à rompre la glace, il faut d’abord s’intéresser aux échecs de la marine dans ce domaine. Tout a commencé en Allemagne à la fin du XIXe siècle. À cette période, un hiver particulièrement rude a bloqué le port de Hambourg durant près de 2 mois. La situation était catastrophique tant cette place marchande était active et conditionnait l’économie du pays. Nombreux furent les navires dont la coque fut fracassée contre la glace avant qu’un ingénieur eût l’idée de modifier la forme de l’étrave. Si cette zone située à l’avant du navire ne résistait pas lorsqu’elle était droite et fine, elle cassait les plaques gelées dès lors qu’elle fut arrondie. Comment ? Avec sa forme convexe, la coque permet au navire de se hisser sur la glace et de briser cette dernière sous le poids du bateau. C’est ce système aussi simple qu’ingénieux qui est encore utilisé aujourd’hui. Proue renforcée et instruments de navigation de plus en plus modernes ont renforcé ce savant dispositif qui a cours encore aujourd'hui. Que ce soit lorsqu’un brise-glace russe ultra moderne va chercher du gaz liquéfié dans l’Arctique ou quand un brise-glace traditionnel navigue au Groenland comme ce sera le cas prochainement…
Comme vous pouvez vous en douter, une panne de carburant dans une région particulièrement hostile à l’homme à aux infrastructures qu’il a créées pourrait s’avérer dramatique. C’est pourquoi l’autonomie du navire est un point crucial. La machine à vapeur a équipé les premiers brise-glaces, et la propulsion nucléaire fait aujourd’hui la joie des Russes en quête de nouvelles conquêtes arctiques. Le Lénine, premier brise-glace nucléaire, a ouvert la voie en 1957 et sa construction a notamment inspiré le NS Arktika en 1972, le NS Sevmorput en 1986, le NS Taimyr l’année suivante, le NS Yamal en 1992 ou encore le NS 50 Let Pobedy en 1993. L’autonomie d’un navire moderne peut être portée jusqu’à 4 années en mer. Ces navires redoutables peuvent aussi bien servir aux transports de marchandises et de personnes, mais peuvent aussi ouvrir la voie à d’autres navires de transport. Ils peuvent en outre venir au secours à d’autres navires prisonniers des glaces. La puissance de ces monstres marins peut aujourd’hui créer des failles dans une glace pouvant atteindre jusqu’à 3 mètres de hauteur ! Si l’autonomie est une caractéristique capitale pour de nombreux navires et encore plus pour les brise-glaces, le système d’hélices et le gouvernail se devait d'être également repensés. Face à des blocs de glace particulièrement lourds qui se déplacent suite au travail de l’étrave et à la pénétration de la coque, tous ces éléments se doivent d’être protégés. Par exemple, sur le Lénine, on compte 2 hélices latérales supplémentaires disposées de part et d’autre à l’arrière sous la coque. Ces hélices ont notamment pour objectif de chasser voire de casser la glace qui pourrait endommager le système de propulsion et de direction principal.
Un brise-glace nouvelle génération
L’Arktika II, c’est le nom donné au dernier-né de la flotte russe spécialisée dans la navigation en mer gelée. C’est le brise-glace le plus puissant au monde et il est sorti du chantier naval de la Baltique en juin dernier. Il aura donc fallu près de 3 années et près de 1,5 milliard d’euros pour que ce mastodonte prenne la mer. C’est le premier exemplaire d’une série de 3 sister-ships. Tous sont propulsés à l’aide réacteurs nucléaires. Ceux de l’Arktika sont estampillés RITM-200 et génèrent une puissance de 175 Mwt (comprenez mégawatts thermiques). L’objectif de ce navire (et des suivants) n’a rien de touristique et va à terme ouvrir la route à des navires de type méthaniers et pétroliers. Il pourra naviguer sur une durée de 6 mois sans ravitaillement aucun. Revivez sa mise à l’eau qui a visiblement fait la fierté nationale…